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albert assaraf
Quand dire, c'est lier : pour une théorie des ligarèmes
 
Mes paroles trahissent ma "position" tout autant qu'un tireur embusqué trahit la sienne à partir de ses propres coups de feu. Ma position une fois détectée, mon auditeur va aussitôt adapter son comportement en fonction de ce que je lui laisse entendre sur ce que nous sommes censés être l'un pour l'autre. Ce qui entraînera, rétroactivement, un comportement adaptatif de ma part, en fonction de la réaction de mon auditeur, etc. Il y a statu quo lorsqu'un consensus s'établit sur la définition du "qui tu es pour moi, qui je suis pour toi" de sorte que le faire persuasif qui articule le "lien" est systématiquement calculable.

Si, d'un commun accord la relation définie est du type

(1) "Je suis pour toi en haut, tu es pour moi en haut", elle aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position neutre;
b) soit de le persuader de refuser d'adopter une position de
soumission;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position de soumission;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position neutre.

(2) "Je suis pour toi en haut, tu es pour moi en bas", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position de soumission;
b) soit de le persuader de refuser une position neutre;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position neutre;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position de
soumission.

(3) "Je suis pour toi en haut, tu es pour moi ni en haut ni en bas", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position neutre;
b) soit de le persuader de refuser une position de soumission;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position de soumission;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position neutre.

(4) "Je suis pour toi en bas, tu es pour moi en haut", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position de domination;
b) soit de le persuader de refuser une position neutre;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position neutre;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position de
domination.

(5) "Je suis pour toi en bas, tu es pour moi en bas", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position neutre;
b) soit de le persuader de refuser une position de domination;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position de domination;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position neu
tre.

(6) "Je suis pour toi en bas, tu es pour moi ni en haut ni en bas", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position neutre;
b) soit de le persuader de refuser une position de domination;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position de domination;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position neutre
.

(7) "Je suis pour toi ni en haut ni en bas, tu es pour moi en haut", aura pour effet sur X :

a) soit de le persuader d'adopter une position de domination;
b) soit de le persuader de refuser une position neutre;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position neutre;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position de
domination.

(8) "Je suis pour toi ni en haut ni en bas, tu es pour moi en bas", aura pour effet sur X:

a) soit de le persuader d'adopter une position de soumission;
b) soit de le persuader de refuser une position neutre;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position neutre;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position de
soumission.

(9) "Je suis pour toi ni en haut ni en bas, tu es pour moi ni en haut ni en bas", aura pour effet sur X:

a) soit de le persuader d'adopter une position neutre;
b) soit de le persuader de refuser une position de soumission ou
de domination;
c) soit de le dissuader de perpétuer une position de domination ou de soumission;
d) soit de le dissuader de refuser de perpétuer une position neutre 11.

Notons qu'un même individu pourra développer une position de domination envers sa femme, une position de soumission envers sa maîtresse, une position neutre envers sa mère, une position de soumission envers son patron, une position de domination envers ses ouvriers, une position de soumission envers son groupe d'appartenance et une position de domination envers le groupe rival; ou encore, selon le cas, et vis-à-vis d'une même personne, une position neutre pour ce qui est du travail, une position de domination pour ce qui est de son savoir faire avec les femmes, une position de soumission pour ce qui est des problèmes informatiques, etc., sans être pour autant et le moins du monde schizophrène.

Ceci révèle tout simplement l'extrême complexité de nos relations intersubjectives. Et une catégorisation définitive des types humains en "introvertis" / "extravertis"; "agressifs" / "non-agressifs"; "dominés" / "soumis"; "bons" / "mauvais"; "rationnels" / "mystiques", "holistes" "individualistes" 12, n'est pas sans gommer un facteur majeur : l'extrême variation de nos comportements
en fonction du "contexte".

 

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11 Sur ce sujet voir tout particulièrement les travaux de P. Watzlawick et al., Une logique de la communication, Paris, Seuil, 1972, ceux de C.-E. Sluzki et J. Beavin, "Symétrie et complémentarité : une définition opérationnelle et une typologie des dyades" in Sur l'interaction, Paris, Seuil, 1981, pp. 98-117.
 
12 Voir sur ce point L. Dumont, Homo aequalus, Paris, Gallimard, 1977, pp. 139 sq., et l'extrême difficulté que rencontre cet auteur pour déterminer si Marx était effectivement holiste ou individualiste. Il s'avère à l'issue de son étude (p. 159) que "la distinction entre individualisme/holisme est remplacée chez lui [Marxl par la distinction entre société d'aujourd'hui et la société idéale". Ce qui revient à dire que Marx était tout à la fois holiste et individualiste selon qu'il se situait à l' "intérieur" ou l' "extérieur" de la société dont il rêvait.